Chapitre 8 bis
Tandis que le Cæremoniale Sanctae Romanae Ecclesiae (Cæremoniale S. R. E.) a deux chapitres détaillés sur la messe pontificale au faldistoire, le Caeremoniale Episcoporum (C. E.), ne lui en donnant point, se contente de quelques indications éparses à son égard. Pourtant la messe au faldistoire ne manque pas d’importance, soit parce qu’elle s’impose à tout évêque qui n’a pas le trône, ou qui en perd momentanément l’usage, soit parce qu’elle est organisée pour se célébrer devant un supérieur y faisant assistance pontificale, ou seulement passive. Son organisation, originaire de la chapelle papale, doit satisfaire ces deux exigences, dont la première peut aller sans la seconde, mais la seconde ne va pas sans la première. Ne l’ont pas compris quelques jeunes débutants romains, à la fin du siècle dernier, quand ils imaginèrent de transporter dans la messe au faldistoire toutes les particularités de la messe au trône qu’il crurent possibles. Ils se payèrent d’arbitraire et d’illogisme. On le verra au cours de ce chapitre spécial, nécessaire pour réunir les notions sur la messe au faldistoire.
L’évêque a toujours le droit de lire la préparation et l’action de grâces, de se chausser et déchausser, de s’habiller et déshabiller à l’autel, pourvu que ne soit pas présent un prélat supérieur, ou un chapitre, ou un nombreux clergé qui ne sent pas l’opportunité de telle sujétion à l’égard d’un évêque étranger. Dans ces trois cas, les actions susdites se font à la sacristie. A part les trois obstacles marqués, il peut y avoir un moyen terme: préparation et chaussement à la sacristie, puis habillement à l’autel; vice versa ensuite. Si habillement et déshabillement se font à l’autel, le diacre et le sous-diacre s’y rendent les premiers, et y attendent l’évêque, reçu et accompagné comme un évêque étranger; à la fin l’évêque part le premier, puis les ministres quand il est parti.
Si le célébrant est un évêque coadjuteur ou auxiliaire, et si l’évêque, non présent, lui a permis l’usage de la chape sans caudataire, il peut alors chanter tierce au faldistoire, s’habiller en pluvial pour la fin de cette heure, puis en chasuble pour la messe, à l’instar de l’évêque au trône, comme fait le cardinal archiprêtre dans les basiliques romaines.
En plus du diacre et du sous-diacre, le célébrant a un prêtre assistant pour la messe seulement, à l’exclusion de toute fonction qui peut la précéder ou la suivre. Ce prêtre assistant prend le pluvial quand l’évêque prend la chasuble; chacun quitte l’un et l’autre en même temps. Le diacre et le sous-diacre ne se joignent au célébrant qu’au moment de l’habiller; ils le quittent après l’avoir désbabillé; car des ministres parés ne servent jamais un évêque non paré, si ce n’est pour le parer.
C’est toujours le diacre qui met et ôte la mitre, toujours le sous-diacre qui met et ôte le grémial; quand ils en sont empêchés le cérémoniaire les remplace. Le diacre et le sous-diacre sont alignés devant ou derrière l’évêque quand il chante Dominus vobiscum ou Pax vobis. Oremus et la collecte, quand il entonne le Gloria et le Credo. Ils sont à ses côtés quand il dit l’introït, le Kyrie, le Gloria, le Credo et l’offertoire. Pour s’asseoir, les trois ministres vont au banc du prêtre célébrant; ils s’y placent, le prêtre assistant le plus proche de l’évêque, le diacre à la suite, le sous-diacre à l’autre bout.
Le faldistoire est placé, l’évêque s’y asseoit et s’y tourne de la manière expliquée livre 1, chapitre 19, numéros 4 et 5. L’évêque est assis ou debout comme il le serait au trône. Il est tourné vers l’autel quand le serait un prêtre célébrant. Les règles concernant l’évêque, le livre, le bougeoir (s’il ne sert pas à un supérieur qui assiste au trône), la mitre et, éventuellement, la crosse, sont celles données chapitre 8. Néanmoins, le livre n’est tenu que par le portelivre, sauf une seule exception. De plus, on ne met pas sur l’autel les mitres du célébrant; car cette distinction est réservée aux mitres d’un prélat supérieur faisant assistance pontificale en pluvial.
Les médiocres théoriciens déjà signalés se dévoient facilement et de bonne heure. Leur opuscule sur la messe au faldistoire dément un travail sorti jadis d’une ambiance dont ils proviennent. Eux qui se piquent de suivre à la lettre le C. E. voudraient lui imputer des choses inouïes. Ils commencent par faire couvrir de sa barette un évêque en mantelet qui va s’habiller à l’autel, et qui s’en retourne apres déshabillement. Il ne faut pas beaucoup de raisonnement, on l’a vu en son lieu, pour comprendre que, malgré l’obscurité du C. E., l’évêque diocésain marche dans l’église couvert de sa barette. Certains rubricistes pourtant contestent ce principe. Alors comment peut-on l’appliquer à un évêque étranger, en dépit d’une règle commune à tout le clergé?
A un évêque faisant le même trajet, dans les mêmes conditions, ils font détacher et porter la queue de la soutane. Or la queue de la soutane ne se détache qu’à un évêque paré, et encore pas toujours; ensuite, quand elle est détachée, elle n’est pas portée devant un prélat supérieur qui fait assistance pontificale. Comme le C. E. ne parle pas de cela, nos théoriciens l’ont donc pris dans leur imagination.
Si l’on va processionnellement de la sacristie au chœur et vice versa, le sous-diacre marche seul devant le célébrant, qui marche entre le prêtre assistant à droite et le diacre à gauche. Le Cæremoniale S. R. E., qui ne suppose pas de procession, ne fait pas porter l’évangéliaire avec le manipule du célébrant par le sous-diacre. P. Grassi, au contraire, les lui fait porter; bien plus, il fait bénir et porter l’encens; mais il montre un souci exagéré d’imiter la procession de la messe au trône, qui pour lui n’existe pas.
A la messe au trône, le prêtre assistant, après être monté du côté de l’évangile pour aider le sous-diacre à faire baiser le livre, n’a qu’à descendre du même côté si le trône s’y trouve, ou bien au mileu si le trône est au fond de l’abside. A la messe au faldistoire, par contre, il doit descendre au coin de l’épître; alors y a-t-il besoin de lui imposer cette allée et venue pour si peu de chose? Nos théoriciens n’hésitent pas à dire oui; mais le Cæremoniale S. R. E. et la tradition romaine disent non.
Le célébrant, après avoir reçu l’encensement et salué la croix au coin de l’épître, descend directement au faldistoire, où il est rejoint par ses trois ministres.
A l’opposé de ce qu’il fait au trône, le prêtre assistant ne tient jamais le livre quand le célébrant chante; cela pour plusieurs raisons. Un évêque chantant les vêpres au faldistoire n’a pas de prêtre assistant qui puisse lui tenir le livre; donc le prêtre assistant qui ne tient pas le livre dans la messe au faldistoire n’est pas une étrangeté. Lorsque l’évêque officie au trône, son prêtre assistant lui tient le livre seulement aux vêpres les plus solennelles et à la messe, jamais quand il n’y a pas strictement célébration, ni par conséquent dans l’assistance pontificale; c’est donc une distinction dont un évêque officiant au faldistoire peut se passer sans dommage. A la messe au faldistoire devant un prelat supérieur fuisant assistance au trône, si le prêtre assistant tenait le livre au célébrant, celui-ci recevrait un honneur auquel le prélat supérieur n’a pas droit; d’où résulterait une absurdité. Dans son dessein de suivre le C. E. à la lettre, un auteur a cru tirer parti d’une des nombreuses fautes de ponctuation. Au numéro 4 du chapitre 7, livre 1, il ne voit qu’une phrase de la 12e ligne à la 19e; mais il ne s’aperçoit pas que la 18e ligne lui donne tort, puisqu’elle parle des diacres assistants, et par conséquent de la messe au trône. Donc tenir le livre devant le célébrant au faldistoire ne regarde pas le prêtre assistant.
Après avoir chanté l’épître, pourquoi le sous-diacre tient-il le livre au célébrant? Cette manière de faire, sans répondre à une nécessité absolue, provient de la chapelle papale et ne manque pas de naturel. Ainsi le sous-diacre, portant l’épistolier, va baiser le pied du pape, qui aussitôt après lit l’épitre, servi par ses assistants; le sous-diacre alors rejoint le célébrant, et le fait profiter de l’épistolier qu’il a en mains, pour la lecture de l’épître.
La fonction du diacre, avant l’évangile, est la même qu’à la messe solennelle ordinaire, eu égard à la diversité des lieux, c’està-dire: port de l’évangéliaire à l’autel, bénédiction de l’encens au faldistoire, Munda cor meum à l’autel, prise de l’évangéliaire, réception de la bénédiction du célébrant, baiser de sa main. Le prêtre assistant ne sert nullement pour l’encensoir. Dans le cas d’assistance active d’un supérieur, le diacre suit la méthode de la messe au trône, c’est-il-dire: port de l’évangéliaire à l’autel, baiser de la main au trône, Munda cor meum à l’autel, prise de l’évangéliaire, réception de la bénédiction au trône, où le prêtre assistant a fait bénir l’encens.
Après le chant de l’évangile, si un supérieur ne fait pas assistance au trône et en pluvial, le diacre encense le célébrant. Alors se présente la même difficulté qu’à la messe solennelle ordinaire, difficulté qui passe habituellement inaperçue, et que bien peu d’auteurs ont pensé à résoudre. Où se tient le diacre pour encenser le célébrant ? Ni le Missel ni le C. E. n’en disent mot. Quand on encense quelqu’un, on s’approche de lui le plus possible. Si un supérieur ne baise pas l’évangéliaire, le sous-diacre le porte à baiser au célébrant. Le diacre doit aussi porter l’encensemeut au célébrant, d’autant plus qu’il est obligé de le rejoindre. L’encenser avant de le rejoindre irait contre le bon sens. Si l’évangile se chante à l’ambon, il serait absurde que le célébrant fût encensé depuis l’ambon. Il n’est pas moins déraisonnable que le diacre encense le célébrant depuis l’endroit qui tient lieu d’ambon. On n’encense jamais une personne à travers une autre, ni à travers la croix de l’autel. Il faut que le diacre s’approche du célébrant au moins jusqu’au milieu de l’autel, et sans omettre la révérence à l’autel, que le sous-diacre a omise légitimement.
Après que le célébrant a lu l’offertoire, s’est lavé les mains, et a reçu l’anneau du prêtre assistant, il incombe à celui-ci de porter le livre à l’autel, puis d’aider le célébrant lorsqu’il y monte. Cela est prescrit au prêtre assistant de la messe au faldistoire par le Cæremoniale S. R. E., qui ne le prescrit pas au prêtre assistant de la messe au trône, pour les raisons déjà vues. On sait aussi que le C. E. a omis de déterminer le choix entre ces deux méthodes.
En même temps que le prêtre assistant, le sous-diacre quitte le célébrant, et va prendre à la crédence tout ce qu’il doit porter à l’autel, de façon à y monter avec le célébrant. Celui-ci, accompagné du diacre, n’aura nul besoin du sous-diacre pour faire trois ou quatre pas avant de monter à l’autel. Cette manière est prescrite par le dans la messe au faldistoire, et par le C. E. sans distinction entre faldistoire et trône. La manière opposée, soutenue par la fantaisie de nos théoriciens, a un résultat malheureux: elle retarde inutilement l’arrivée du sous-diacre à l’autel y fait attendre le célébrant, fait attendre aussi un supérieur assistant au trône.
A l’offertoire, on ne fait pas la prégustation. La chapelle papale, réservant cet hommage au pape, ne le rend à nul autre célébrant; car une des deux raisons fondamentales de la messe au faldistoire est de se célébrer devant un supérieur qui assiste au trône. Nos théoriciens se résignent à cela, malgré la lettre du C. E.
Après l’offertoire, contrairement encore au C. E., et néanmoins avec l’agrément de nos théoriciens, le diacre encense dans cd ordre: célébrant, membres du chœur, prêtre assistant, sous-diacre. Le prêtre assistant de la messe au trône est encensé en premier lieu parce qu’il est le premier du chapitre, ou du moins un des tout premiers; prescription inexistante dans la messe au faldistoire.
Le célébrant donne le baiser de paix au prêtre assistant seulement, ni au diacre ni au sous-diacre. Ce prêtre assistant, qui seul reçoit la paix, est celui du célébrant, ou bien celui du trône si un supérieur y fait assistance. Le Cæremoniale S. R. E. prescrit tout cela formellement; le C. E. aussi, quoique implicitement. Dans la messe au trône, l’évêque donne la paix au prêtre assistant, aux deux diacres assistants, au diacre et au sous-diacre, parce que le premier est à la tête des prêtres, les suivants sont les deux premiers des diacres, le diacre et le sous-diacre sont représentants de ces deux ordres. On suppose la distinction des ordres, qui seule rend la chose intelligible. Or rien de cela n’existe dans la messe au faldistoire. Nos théoriciens ne l’ont pas compris; et pourtant ils avaient sous les yeux la chapelle papale. Ils n’ont pas vu que leur manière de donner la paix ne correspond pas à leur manière de faire l’encensement. Si on les écoute, dans une messe au faldistoire sans assistance d’un supérieur, le diacre et le sous-diacre recevront le baiser de paix avant qu’il parvienne à des évêques présents au chœur. Autant peut arriver pour l’évêque diocésain présent à la stalle. Bien plus, toujours d’après eux, dans une messe au faldistoire devant un supérieur au trône, le diacre et le sous-diacre recevront le baiser de paix avant qu’il parvienne à un cardinal, au nonce, au métropolitain, à l’évêque diocésain. Heureusement, la chapelle papale est une perpétuelle protestation contre pareille absurdité.
Le célébrant doit-il réciter le dernier évangile de saint Jean à l’autel, ou bien en le quittant, en allant au faldistoire ou à la sacristie? Le Cæremoniale S. R. E., la chapelle papale et P. Grassi font dire cet évangile en retournant à la sacristie ou au faldistoire. L’usage actuel de Rome le fait dire à l’autel. Le C. E. le fait dire en quittant l’autel, sans distinction entre faldistoire et trône. Aucune raison plausible n’empêche de suivre le C. E. en cela. Nos théoriciens pensent autrement; ils abandonnent une fois de plus le C. E. dont ils se proclament disciples indéflectibles.
Cfr. L. Gromier, Commentaire du Caeremoniale episcoporum, Paris, La Colombe, 1959, pp. 314-319.